Un ouvrage d’art commémore un héritage militaire
Par Steven Beites
“Insignia” est un portique de mémoires, un passage dans le temps, une réflexion transitoire et une reconnaissance du service militaire. Il est le pavillon d’entrée de l’Hôtel X, un complexe hôtelier construit sur le lieu historique d’Exhibition Place au centre-ville de Toronto.
Implanté sur le site archéologique de New Fort, le concept, octroyé par le biais d’une compétition internationale, comporte principalement deux éléments thématiques : une structure d’acier qui évoque le volume original du East Enlisted Men’s Barracks (EEMB) jadis situé au-dessus des fondations exposées existantes, et deuxièmement, d’un voile composé de panneaux fabriqués à partir de béton à ultra-hautes performances (BUHP) qui résume de façon emblématique l’historique militaire des régiments qui ont résidé sur ce site. Le pavillon comporte plus de 400 panneaux BUHP ornementaux visibles à la fois depuis l’intérieur et l’extérieur de la structure.
Le design s’inspire de la riche histoire du New Fort et du site de l’EEMB, ainsi que des hommes et des femmes qui ont forgé l’héritage militaire de Toronto. Tous les régiments qui ont été assignés au New Fort entre 1840 et 1893 y sont représentés par le biais de leur écusson régimentaire unique respectif.
Le processus a débuté par une modélisation abstraite des écussons régimentaires Britanniques et Canadiens. Par le biais de superposition et d’abstraction, la combinaison du profil de chacun des écussons a servi à concevoir un patron de base à partir duquel une série de panneaux ornementaux ont pu être créés. De part cette abstraction, le centre des écussons est laissé ouvert. Ces derniers deviennent le point d’attention principal et procurent de la transparence à l’ensemble de la façade.
Le deuxième élément du concept évoque le volume de l’EEMB original et témoigne directement des caractéristiques architecturales qui prédominaient à cette époque. L’architecture Géorgienne, influencée par le Palladianisme anglais reconnu pour ses détails Classiques, et caractérisée par des patrons élaborés et des proportions symétriques, est évidente à l’intérieur comme à l’extérieur des bâtiments des casernes originales. C’est ainsi que le patron abstrait a été reproduit et répété sur l’ensemble de la surface pour créer un système de revêtement à la fois unique et symbolique de ce style : décoratif, symétrique et riche ornementation.
Le troisième élément du design aide à cimenter un lien additionnel avec le site. Il débute par l’intégration dans le voile d’une représentation exacte en trois dimensions des cinq écussons régimentaires uniques. Celle-ci est faite de façon chronologique, débutant en 1840 par le 16ième (Bedfordshire) Régiment à pied, suivi du 93ième (Sutherland Highlanders) Régiment à pied, la Police montée nord-ouest (1873), le Régiment Royal Canadien/l’École d’infanterie (1883), et en terminant par le Royal Canadian Dragoons (1893). Cet agencement a été déployé sur l’ensemble des murs est et ouest question de donner aux visiteurs une représentation visuelle de l’histoire militaire de Toronto tout en commémorant tous ceux qui ont occupé le New Fort et l’EEMB.
L’élévation nord, quant à elle, fait appel à une stratégie bien différente, préférant plutôt mettre l’emphase sur le volume de la structure originale de L’EEMB. Les écussons abstraits y sont exclus pour permettre de célébrer l’authenticité de la charpente originale tout en mettant l’accent sur les caractéristiques archéologiques des fondations apparentes. Cette ouverture attire les visiteurs à l’intérieur d’un espace où l’œuvre elle-même laisse comprendre l’importance de ce riche site archéologique.
Le résultat final du design donne au site une présence à la fois forte et gracieuse. Il révèle le caractère unique de l’EEMB et de son environnement. Il cherche à préserver les mémoires des soldats qui se sont entrainés et qui ont résidé dans la caserne, sans oublier ceux qui ont donné leur vie pour leur pays et, ce faisant, ont joué un rôle déterminant dans le développement de Toronto.
Steven Beites est propriétaire de Studio Kimiis.
Détails précis réalisés à l’aide de techniques raffinées de béton préfabriqué
Par Eric Sommer
Pour produire le voile décoratif perforé du projet Insignia, l’architecte Stevens Beites avait besoin d’un matériau qui était à la fois robuste et raffiné, ayant la flexibilité de reproduire les fins détails des écussons régimentaires représentés sur les 494 panneaux de mur. Le béton à ultra-hautes performances (BUHP) fut ultimement choisi parce qu’il rencontrait les critères d’apparence et de durabilité, et qu’il pouvait être fabriqué localement par Spring Valley Corp.
Nous avons fait appel à notre « Concrete Art Applied ScienceTechnology (CAAST®) ». Cette technologie fait appel à des moulesfaits sur mesure capables de créer des objets aux formes, patrons, textures et couleurs illimitées.
La nature hautement versatile de CAAST® (Concrete Art &Ap- plied Science Technology) rend possible la production de panneaux de revêtement de haute performance à la fois très détaillés, esthétiques et de grande qualité, tout en étant résistants aux intempéries.
La robustesse des BUHP provient de leur matrice plus dense qui transfert les efforts très efficacement. De plus, leur très faible coefficient de perméabilité limite de façon significative l’infiltration de l’eau et des produits chimiques.
Les propriétés mécaniques des BUHP rendent possible la production de profils plus élancés, ayant une masse réduite et une énergie incorporée plus faible. Leur longue durée de vie combinée à leur masse plus faible permet de développer des concepts plus viables et durables qui minimisent l’impact sur l’environnement.
Dans le cas de ce projet, des moules maîtres (modèles) ont été fabriqués à partir de mousse à haute densité alors que les moules qui ont servi à la fabrication des panneaux ont été réalisés avec du caoutchouc. Les panneaux de mur se devaient d’être recto-verso, voulant dire qu’il fallait qu’ils soient texturés sur les deux faces apparentes. Cela représenta un défi de taille parce que le design ne permettait que la pièce soit coulée à la verticale dans un moule conventionnel à deux faces.
Nous avons pu surmonter cette embuche par la création de liens mécaniques réalisés avec des fils d’acier inoxydables soudés, puis en superposant une partie complétée sur une deuxième partie fraîchement coulée. Des plaques d’acier traitées avec de la peinture en poudre ont été incorporées à même les pièces pour faciliter l’ancrage des panneaux à la structure d’acier.
La majorité des panneaux est perforée et les espaces vides représentent jusqu’à 55% de leur surface totale. Le poids de chaque panneau varie entre 290 et 545 kilo- grammes (640-1,200 livres).
Nous avons pu couler en moyenne six à neuf panneaux par jour et le projet a pu être complété en approximativement un an. Une fois installés, une finition anti-graffiti a pu être appliquée sur l’ensemble des panneaux.
Les 494 panneaux occupent une superficie totale de 1,064 mètres carrés (11,455 pieds carrés). Les plus grands panneaux sont 2 mètres x 1.2 mètres x 114 millimètres d’épaisseur (6.6 pieds x 4 pieds x 4.5 pouces). Du ciment blanc, du sable blanc et du dioxyde de titane ont été utilisés pour produire l’éclatante finition blanche. L’agrégat le plus gros présent dans le mélange était de 2 mm.